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Sexe et mensonges : La vie sexuelle au Maroc, Leila Slimani

La célèbre auteure du Prix Goncourt 2016, Chanson Douce, s’essaye à l’essai avec Sexe et mensonges : La vie sexuelle au Maroc, publié en septembre dernier aux éditions Les Arènes. Ayant grandi au Maroc, elle est toute disposée à recueillir et retranscrire avec justesse les témoignages de femmes et d’hommes marconain.e.s dont elle se fait porte parole.

L’essai est très dynamique. L’auteure étant habituée à la fiction, elle sait raconter. Les témoignages sont donc vivants, poignants. À cela se mêle une écriture plus journalistique. Comme si elle faisait une enquête sociologique, l’auteure regroupe extraits de presse, titre virulents, faits divers à scandales, ainsi que textes de loi et extraits religieux du Coran. Elle ajoute également des statistiques. Ainsi, nous avons d’une part les sentiments de la population grâce aux témoignages, et de l’autre la réalité crue de ce qui est permis ou condamné, moralement ou civilement. Puisque l’on se doute tous que la morale joue un rôle important dans ce combat d’émancipation, on imagine moins que la loi, le gouvernement, légalise les mœurs traditionnelles. Parfois, oui, la lecture choque, insurge. Mais parfois, la lecture tourne aussi un peu en rond. Si l’écriture est dynamique, on rebondit toujours sur les mêmes choses. On aurait peut-être gagné à un peu plus de brièveté, mais cela permet également de bien insister sur l’aspect critique de la situation.

Face à l’autorité de la morale et des lois, nous avons à faire à une société “hypocrite” et “schizophrène” comme l’écrit l’auteure à plusieurs reprises. En effet, il est parfois difficile de s’y retrouver, de se trouver. Entre ce qui est permis mais que la morale interdit, et les envies, les désirs qui grandissent, sous le joug de l’influence européenne, la sexualité au Maroc est un sujet tabou et difficile.

Parce qu’au Maroc, sans le savoir, c’est un choix presque politique. En perdant sa virginité, une femme bascule automatique dans l’illégalité, ce qui n’est évidemment pas anodin. (p.29)

En effet, les relations sexuelles sont proscrites avant le mariage. Le divorce, quant à lui, n’est pas vu d’un très bon œil. (Et l’avortement n’en parlons pas.) Une femme doit savoir garder son mari.

Elle a divorcé avec un bébé. Elle va se remarier aujourd’hui, mais, comme le veut la loi, elle perd automatiquement la garde de son enfant. […] D’une certaine façon, c’est une manière de dire que les femmes ne peuvent pas refaire leur vie. (p.145)

Mais le combat de la liberté sexuelle au Maroc ne concerne pas que les femmes, cela est également un poids pour beaucoup d’hommes, et d’homosexuels. La sexualité au Maroc, c’est un combat de tous les jours, et un combat intime, que l’on livre souvent à l’intérieur de soir : la morale ou la liberté, il faut choisir. De plus, comment s’épanouir lorsque l’on est obligé de se cacher ? Comment prendre du plaisir dans la peur, la clandestinité ? Quand ce qui ne devrait être qu’un exutoire, que l’amour des corps, est si minutieusement contrôlé, dicté par une autorité ?

La misère sexuelle, nous le verrons, est un capitalisme comme un autre. (p.29)

En effet, pour concilier les deux : le plaisir et la morale, certaines femmes n’hésitent pas à se faire refaire l’hymen avant le mariage.

Et quand bien même vous naissez dans une famille libre, ouverte, où le sujet n’est pas tabou, votre père aura peur nous vous, et vous ne pourrez dans tous les cas pas exercer librement votre droit sexuel, puisque la loi veille.

Cet essai nous livre donc tous les dessous des véritables carcans marocains, dont la société aimerait se détacher tout voulant en restant très proche de ses traditions et de sa religion. Une société en mutation donc, mais qui ne parvient pas à s’épanouir. Cet essai nous éclaire, nous révolte. Mais à notre échelle française, pouvons-nous agir ? D’après moi, nous n’avons aucun pouvoir sur ce qui se joue dans d’autres pays entre un peuple et son gouvernement. Il leur faut faire leur révolution sexuelle et nous espérons qu’ils y réussiront.

Ce qui personnellement me choque aujourd’hui, c’est que nos combats se sont inversés. Avant, les femmes devaient être uniquement en robe ou en jupe. Elles se sont battues enfin de pouvoir porter un pantalon. Aujourd’hui, elles se battent pour avoir le droit de remettre une jupe, sans que les regards en soient choqués – pervers, mauvaise réputation… – . N’y aura-t-il jamais rien d’acquis ?

Porter une jupe n’est pas une crime. (p.80)
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