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Alias Janna, Milena Makarius

Bulgarie. Epoque communiste.

Vous voilà adolescente, intelligente, bilingue. Vous avez des liens avec des intellectuels français, des espoirs de carrière. Le monde tourne plutôt bien. Vous ne vous rendez compte de rien. Surtout pas d'avoir été enregistrée à votre insu comme agent infiltrée pour la police secrète bulgare. Et peut-être que vous ne l'auriez jamais su si votre fille, Bojina, n'avait pas eu l'obsession de réaliser un documentaire sur le sujet.


Tu as beau partir, quitter, oublier, eux ne t’oublient pas, tu leur appartiens, tu figures dans leurs registres secrets devenus tout-puissants. Tu as un dossier.

Alias Janna, c'est le récit troublant d'une réalité si folle que l'on croirait fictive, avec ses mots héroïques d'"agent secret". C'est le tableau d'un régime, et d'un peuple qui compose avec. Une leçon d'histoire vue de l'intérieur, mais pas seulement. Alias Janna, c'est surtout une réflexion sur l'art, le récit. Ce sont des mises en abyme qui se superposent sans cesse. Il y a la fille, la caméra et les images cinématographiques de la fille, et il y a la mère, ses mots, son récit autobiographique. Il y a l'avis de l'une sur l'autre, sur la façon de voir l'art et de voir l'intime. Il y a la question de l'histoire, la grande histoire, bulgare et communiste, la petite histoire, celle de Milena, de Janna, et l'histoire héritée, l'histoire témoignage. À quel point l'histoire de la mère est celle de la fille et à quel point la fille peut rendre l'histoire de la mère publique, est-ce seulement l'histoire de la mère ou celle d'une peuple incarné par la mère ? Autant d'interrogations croisées qui naviguent entre ces pages. Quand on les as toutes lues, qu'on referme l'ouvrage, tout se bouscule, et aucune réponse ne s'impose. Les tords et les raisons sont partagés.


La mère réalise avec une sueur froide que le nouveau mode de communication n’est pas une conversation amusante avec sa fille. Que le jeu excitant devant la caméra est le début d’une avalanche où tout peut être bradé au nom d’une vérité. Que la vérité même peut avoir plusieurs visages. La mère se rend compte qu’elle est un excellent sujet de film.


Un texte qui ressemble à aucun autre, d'une qualité littéraire soignée, qui a su emballer ma curiosité. À lire !

Notre propre passé ne nous appartient pas, il appartient par bribes à tous ceux que nous avons croisés dans la vie, nous le partageons avec eux. Le passé n’est pas du solide. Certes, on peut le revivre, mais on peut le réécrire, ou d’autres peuvent le faire pour vous ou à votre place.
 

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